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Études de cas : Cartographie, Ciblage et Formation des futurs dirigeants du Bénin

Une approche de l’intégration du genre fondée sur des données factuelles

Le Problème

Le plus grand défis quand il s’agit d’emmener la jeune femme à créer et à chercher un emploi de qualité c’est de comprendre quelle sont les filles les plus exclues. Un « déficit de données sur le genre » cache de nombreux aspects de la vie des femmes et laisse invisibles beaucoup de filles parmi les plus démunies. Les filles – notamment les plus démunies — sont souvent cités comme un élément clé des initiatives de santé et de développement, mais de nombreux programmes ne parviennent pas à les atteindre car elles sont difficiles à localiser et à impliquer.

Certains des taux d’exclusion basés sur le genre les plus élevés au monde se trouvent en Afrique subsaharienne :

  • Soixante et un pour cent des jeunes femmes âgées de 15 à 17 ans ne fréquentent pas l’école, contre 55% des jeunes hommes (Source).
  • Au Bénin, un pays de l’Afrique de l’Ouest francophone comptant 10,6 millions d’habitants, environ trois filles sur quatre n’atteignent jamais le collège (Source).
  • Au Bénin, seul 31% de jeunes filles savent lire et écrire, contre 55% des jeunes hommes.

Les compétences essentielles de la vie courante et de l’employabilité, ou « compétences transférables », n’ont pas été intégrées au système éducatif formel du Bénin. Par conséquent, même les personnes alphabétisées manquent souvent les compétences nécessaires pour obtenir un emploi ou gagner leur vie par le biais de leur emploi (Source). Les quelques jeunes femmes et adolescentes qui ont un emploi sont plus susceptibles d’être sous-employées. En outre, au Bénin, 74% des femmes dans la population active jeune gagnent un salaire inférieur au salaire minimum (Source).

Comprendre quelles sont les plus exclues, où elles vivent et ce qui leur barre la voie est la partie la plus difficile dans le renforcement de la capacité des jeunes femmes pour créer leur propre avenir.

Tandis que les investissements dans les jeunes femmes augmentent, la conséquence du manque de données sur les filles et leur visibilité est que les programmes de développement atteignent les mieux nantis et non celles qui en ont le plus besoin.

La nécessité à résoudre ce problème est cruciale et opportune en raison de la croissance de la population jeune au Bénin, notamment les jeunes femmes vulnérables. Leur intégration dans l’économie pourrait également contribuer à la croissance, au développement et à la stabilité économique.

À moins que les filles les plus difficiles à atteindre ne fassent l’objet d’efforts spécifiques et ciblés, elles recevront probablement une part disproportionnée des avantages, même négligeables.

Aborder la question de l’exclusion de genre

La Fondation Batonga équipe les jeunes femmes les plus vulnérables des compétences nécessaires pour réaliser leur potentiel économique. La mission de Batonga est de doter les filles et les femmes les plus difficiles à atteindre des connaissances et des compétences nécessaires pour être des vecteurs de changement dans leur vie et dans leur communauté. Batonga s’efforce d’aller « au-delà de la route goudronnée » et d’atteindre les filles « invisibles » ou généralement exclues des initiatives d’éducation et de développement traditionnelles.

Pour résoudre le problème décrit ci-dessus, Batonga a mis en place un programme pilote intitulé « Cartographie, ciblage et formation des futurs leaders du Bénin », en partenariat avec la Mastercard Foundation.

Objectifs du partenariat:

  • Identifier et impliquer les filles les plus en déroute (âgées de 15 à 24 ans) vivant à Savalou et à Bohicon, au Bénin, dans des clubs proposant une éducation sociale et financière, combinant compétences professionnelles et personnelles, afin d’améliorer leurs opportunités économiques et leurs moyens de subsistance pour l’avenir.
  • Promouvoir la coordination et les approches basées sur les données de la programmation centrée sur les filles au Bénin et en Afrique de l’Ouest francophone. Pour atteindre ces objectifs, Batonga a suivi une approche en quatre phases.

 

Les 11 étapes de Botanga pour un bond en avant vers l’intégration et l’évolution du genre

Résultats

Identification des filles à risque pour participer au programme.

  • Au cours de la phase pilote, 2 115 filles et jeunes femmes (âgées de 15 à 24 ans) ayant les besoins les plus importants ont été identifiées dans les villages ciblés, ainsi que dans 13 autres villages.
  • Batonga a réussi à recruter 77% de ces filles pour les inscrire dans des clubs de filles.
  • Les atouts communautaires ont été cartographiés en vue de l’identification des ressources telles que les écoles secondaires, les centres communautaires et les centres de santé.
  • Cent trente neuf enquêteurs ont été formés à la collecte de données.

Ces efforts ont permis de collecter des données précises pour des décisions plus éclairées au sujet de la programmation à la faveur des adolescentes au Bénin.

Augmentation des atouts sociaux, cognitifs et personnels des filles.

  • Sur les 1 629 filles ayant pris part à un total de 60 clubs de filles, 90% ont terminé le programme. Parmi ces filles, 97,6% ont déclaré avoir de meilleures perspectives.
  • Plus de 94% ont déclaré avoir acquis des compétences (par exemple, des connaissances, le calcul et/ou la connaissance financière).
  • Quatre-vingt-dix-neuf pour cent ont signalé un accès accru aux réseaux de pairs et à la sécurité sociale.

À la fin du projet pilote, 1 466 des filles les plus nécessiteuses dans les villages ciblés ont été inscrites à une formation complémentaire et aux activités génératrices de revenus durables.

Soutien accru à la programmation fondée sur les données factuelles pour les adolescentes.

  • Le Réseau Batonga d’Apprentissage des Filles Adolescentes Bénin a renforcé l’adhésion à la programmation locale, mobilisé les parties prenantes, renforcé les partenariats existants et aidé à installer des filles comme leaders dans leurs communautés.
  • Batonga a élaboré un document stratégique pour aider les parties prenantes à adopter et à adapter le programme à d’autres régions et à accélérer l’intégration, la propriété et l’utilisation locales et nationales de l’information de l’approche Girl Roster ™.

Il existe désormais une compréhension plus riche de la programmation centrée sur les filles au sein d’un réseau diversifié de partenaires, ouvrant ainsi la voie à la conception et à la mise en œuvre de programmes plus performants et ciblés pour les jeunes femmes et les filles au Bénin.

Défis

Manque d’outils pour mesurer les compétences transférables

Mesurer les améliorations des compétences telles que le leadership, l’estime de soi, la communication et la collaboration s’est avéré difficile dans le projet pilote. Suivre les progrès de la pédagogie centrée sur l’élève prend beaucoup de temps et nécessite une formation, une pratique et un retour d’information continus.

Batonga travaille avec le (Population Council) Conseil de la Population pour développer un outil de surveillance mobile. L’outil de surveillance sur mobile va :

  • Permettre aux mentors de suivre les progrès en temps réel.
  • Capter les données quantitatives et qualitatives.
  • Créer des opportunités de suivi (par exemple, une absence du participant générera un rappel pour que le mentor fasse un suivi et effectue une visite à domicile).

Batonga espère utiliser cet outil pour développer des moyens innovants permettant de suivre les progrès des participants en temps réel.

Migration économique et scolaire des filles âgées de 15 à 24 ans dans les premiers villages ciblés

Sur la base des données démographiques provenant des enquêtes démographiques et de santé menées au niveau national au Bénin, Batonga s’attendait à retrouver 1 600 filles âgées de 15 à 24 ans. En réalité, il y avait environ 557 filles dans la zone ciblée. Pour atteindre l’objectif de 1 600 filles, Batonga devait cartographier 13 autres villages et impliquer 16 mentors et deux superviseurs supplémentaires pour créer de nouveaux clubs.

Lors de discussions de groupe, l’équipe de Batonga a découvert que souvent, pour éviter les mariages précoces, les filles de la cohorte des 15 à 24 ans s’installaient dans les villes proches pour apprendre un métier, trouver des activités génératrices de revenus ou poursuivre leurs études. Ainsi, les nouveaux villages sélectionnés étaient des sites de réinstallation présumés.

Ces résultats sont essentiels car ils indiquent clairement la nécessité de disposer de données détaillées sur les expériences vécues par les filles au niveau des villages afin de pouvoir planifier efficacement.

La migration économique peut souvent accroître la vulnérabilité des filles à la violence, à la traite et à l’exploitation. Si les filles ont accès à une éducation financière et entrepreneuriale par l’intermédiaire de leurs clubs de filles, elles :

  • Auront la possibilité de rester dans leurs villages.
  • Auront accès aux opportunités d’emplois.
  • Éviterons ces risques et d’autres, tels que les grossesses et les mariages précoces.

Les données du projet pilote suggèrent qu’il est essentiel d’inclure les filles plus jeunes (au moins 13-14 ans) (voir le tableau ci-dessous).

Niveau de vulnérabilité des filles à différentes étapes de la vie

Batonga a constaté que la scolarisation commence à baisser à 12 ans. À 14 ans, seules six filles sur 10 sont inscrites à l’école. À 19 ans, trois filles sur 10 sont déjà mères.

Au sujet de Girl Roster™

Girl Roster ™ a été mis au point par le Conseil de la Population et la Women’s Refugee Commission afin de renforcer la capacité des intervenantes à prendre en compte l’ensemble des filles dans leur communauté et à élaborer des plans intentionnels pour atteindre les couches les plus exclues. Il s’agit d’un questionnaire à l’intention des ménages qui capte le nombre de filles dans la zone de recrutement et d’un outil d’analyse rapide qui segmente les filles en fonction de leur âge, de leur scolarité, de leur situation matrimoniale, de leur maternité et de leurs conditions de vie.

Polygamie

Travailler avec des familles polygames et comprendre leurs besoins particuliers constituaient également un défi. Le statut des filles peut souvent devenir encore plus fragile lorsqu’un père ou un mari se remarie et commence un autre ménage qui exclut cette fille. Batonga a constaté que beaucoup de filles qui étaient encore à l’école se avaient beaucoup de mal parce qu’elles vivaient cette forme d’exclusion. Au sein des familles polygames, les épouses et les enfants qui reçoivent le plus de ressources et de soutien peut être un sujet sensible, et donc difficile à cerner avec précision. C’est exactement le type de scénario qui ne peut être découvert qu’en faisant du porte-à-porte avec un outil d’enquête comme le Girl Roster ™.

Batonga a abordé ce problème en mettant les questions de l’enquête en contexte afin de capter le statut et la vulnérabilité des filles dans les familles polygames.

Taux de participation

Atteindre l’objectif d’un taux de participation de 90% dans les clubs de filles a été un défi au cours des premiers mois. Batonga a réagi en approfondissant son approche centrée sur l’élève, en mettant en œuvre des visites de suivi à domicile et en fournissant des modèles et des incitations.

Botanga a amélioré les taux de participation de :

  • Approfondir leur approche centrée sur l’élève
    • L’approche participative du programme a favorisé l’instauration d’une atmosphère ouverte, favorable et positive, qui contraste souvent avec la réalité des participants à la maison et qui peut donc avoir entraîné une augmentation des taux de participation.
  • Mise en place de visites de suivi à domicile
    • Le suivi des absences couplées aux visites à domicile par les mentors ont permis d’identifier et de surmonter les difficultés à la maison qui peuvent avoir affecté la participation.
  • Fournir des modèles et des incitations
    • La participation des boursiers diplômés de Batonga – qui avaient suivis des études postsecondaires – en tant que mentors et modèles a semblé améliorer les taux de participation.
  • Tirer profit des partenariats
    • Batonga a tiré profit de son partenariat avec TOMS Shoes en distribuant 2 000 paires de chaussures aux participants après l’atteinte d’un taux de participation de 90%. Cette incitation à la participation à partiellement résolue le problème de la distance de déplacement pour certains.

Le changement transformationnel nécessite souvent de « désapprendre » d’anciennes approches.

Leçon apprises

La mise en œuvre des programmes basés sur les données. Comprendre les communautés et les filles avec lesquelles vous travaillez.

À moins que les filles les plus vulnérables ne soient soigneusement identifiées et impliquées, il sera peu probable qu’elles bénéficient des programmes de développement. Cela est dû en grande partie au manque de données sur les plus démunis. Les informations ont façonné l’accent mis par le projet pilote sur les « espaces sûrs » et les horaires qui correspondent aux vies chargées et aux nombreux engagements de ces jeunes femmes.

  • Le personnel des ONG doit également avoir accès à une éducation et à des ressources sur la programmation centrée sur les filles et doit bénéficier d’une formation sur les bonnes pratiques pour atteindre les jeunes femmes et les filles.
  • Des données granulaires sur les communautés et l’accès à des outils d’apprentissage tels que Girl Roster ™ peuvent accélérer les changements sur le terrain en aidant à l’identification des groupes les plus exclus et en fournissant un aperçu des causes profondes de l’exclusion liée au genre.

Impliquer les communautés et les participants, notamment les jeunes femmes, dans la conception et à la mise en œuvre du programme.

Batonga a impliqué des participants à tous les niveaux : enquêteurs, mentors et participants. Leur engagement a servi de base à l’élaboration du programme d’études, à l’emplacement des clubs, au processus de suivi et d’évaluation, à la pertinence du matériel et des services offerts et aux méthodes de recrutement et de rétention. Batonga a observé que les filles étaient très fières de leur participation et que leur estime de soi et leur confiance en elles se sont améliorées.

Adopter la gestion adaptative et encourager une culture d’apprentissage, de prise de risque et d’innovation.

L’apprentissage, la flexibilité et l’adaptation en temps réel sont essentiels. Par exemple, Batonga a étendu son attention de 8 à 13 villages sur la base d’une analyse de données, et a ajouté des leçons supplémentaires au programme basées sur les commentaires du mentor et des participants. Le projet pilote a mis l’accent sur la nécessité d’établir des rapports et des systèmes favorisant l’apprentissage. Il a également encouragé activement le personnel à prendre des risques et à considérer les problèmes comme des opportunités d’apprentissage plutôt que comme des échecs. Les méthodes de formation et de compte rendu doivent être considérées comme des outils au sein d’une culture d’apprentissage plus large et doivent favoriser l’innovation et la prise de risque.

Développer un contenu culturellement approprié en mettant l’accent sur les compétences essentielles et les compétences relatives à l’employabilité.

Batonga a découvert qu’un programme d’enseignement conventionnel ne préparait pas toujours les filles à des moyens de subsistance significatifs. En outre, la réintégration dans le système scolaire formel n’est pas faisable ou souhaitée par certaines filles. Au lieu de cela, la demande de compétences pratiques et de formation à l’entrepreneuriat a augmenté, suivie idéalement de liens avec des activités génératrices de revenus. Le programme modulaire des clubs de filles a permis l’adaptation des compétences que les participantes souhaitaient et dont elles avaient besoin.

La réintégration dans le système scolaire formel n’est pas faisable ou souhaitée par certaines filles.

Former les mentors à une pédagogie axée sur les filles et centrée sur les compétences et clarifier les valeurs de genre des mentors.

Les mentors de Batonga ont été formés à l’importance du programme d’enseignement et de la pédagogie axée sur les filles et centrée sur les compétences pour donner aux participantes les moyens de réussir leur vie professionnelle et personnelle. Les bénéficiaires sont devenus des co-créateurs enthousiastes à la fois du programme et de leur propre autonomisation. Batonga a également observé qu’il était essentiel de clarifier que les valeurs sous-jacentes qu’un mentor apporte à ce travail étaient essentielles parce que ces valeurs étant un indicateur probable de l’efficacité du mentor dans son rôle et de la manière dont il pourrait gérer des discussions sensibles liées au genre.

Tirer parti des partenariats dès le départ, s’appuyer sur les outils existants et encourager une large participation de divers acteurs.

Le réseau diversifié de Batonga, son équipe multidisciplinaire, son conseil d’administration et son groupe de partenaires, tels que Aflatoun et le Population Council, ont apporté leur expertise en matière d’innovation/éducation, de changement social/comportemental, de recherche/évaluation sur le terrain et de mise en œuvre/gestion de programmes privés et des secteurs à but non lucratif. Cela leur a permis d’établir un dialogue avec les communautés locales, de renforcer les capacités locales et d’atteindre les filles les plus vulnérables. La collaboration intentionnelle avec les membres de la communauté, les partenaires et les parties prenantes pour partager les connaissances a permis de réduire les doubles emplois et d’améliorer le soutien et la performance du programme.

Avoir un champion visible et crédible

Batonga a bénéficié du fait d’avoir un champion hautement visible et crédible : Elle a été fondée par Angélique Kidjo, chanteuse et compositrice ouest-africaine récompensée par un Grammy Award, et ambassadrice internationale de bonne volonté de l’UNICEF.

Angélique apporte son point de vue et fait peser son rôle sur la scène mondiale d’une manière unique, crédible et convaincante.

Sa passion et son engagement sont au cœur de la mission de Batonga. Elle est intimement impliquée dans tout le travail de la fondation. Angélique a attiré des partenaires, des supporters et des décideurs politiques dans toutes les entreprises de Batonga. Elle aide à faire en sorte que le message de Batonga soit communiqué à un large public et elle sert de modèle pour les mentors et les filles de Batonga.

Conclusion

Le projet de cartographie, de ciblage et de formation des leaders de demain au Bénin a permis une compréhension plus nuancée des jeunes femmes au Bénin et a « compté » dans de nombreux cas, pour la première fois, les adolescentes les plus exclues, qui n’ont jamais été connectées aux services et aux ressources. Contrairement à de nombreux projets existants, l’approche de Batonga s’attaque à l’une des causes fondamentales de l’inefficacité des programmes de développement à atteindre les participants ciblés : le manque d’informations suffisantes sur les données démographiques des communautés. Ce projet pilote a amélioré les moyens de subsistance de plus de 1 600 jeunes femmes. Les clubs de filles de Batonga sont devenus un tremplin pour les petites entreprises prometteuses dirigées par de jeunes femmes. Batonga espère contribuer à la mise en place d’une base de données factuelles et à la compréhension de solutions économiques durables pour identifier, impliquer et autonomiser les filles les plus démunies et les plus marginalisées de l’Afrique de l’Ouest francophone.

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