Dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest, l'agriculture reste l'un des principaux moteurs économiques, assurant la subsistance de millions de personnes en tant que principale source d'emploi.
Selon le Fonds international de développement agricole, le secteur agroalimentaire africain devrait atteindre 1 000 milliards de dollars d'ici 2030 .
Cependant, malgré son importance, ce secteur est confronté à des défis considérables qui entravent sa capacité à contribuer de manière significative au développement socio-économique de la région. La dépendance générale à l'égard de ce secteur pour vivre peut également devenir un obstacle lorsque les agriculteurs sont confrontés à des défis tels que des rendements variables et des vulnérabilités économiques.
En Afrique de l'Ouest, l'agriculture est encore largement constituée de petites exploitations. Ces entreprises restent au cœur du système alimentaire, puisqu'elles représentent 70 % des denrées alimentaires produites en Afrique. Par conséquent, l'un des défis de la sous-région est de passer d'une agriculture de subsistance à une agriculture industrielle et, à terme, à une agro-industrie durable. Avec de nombreuses petites exploitations, l'agriculture de subsistance prédomine et reste limitée dans sa capacité à adopter des pratiques modernes qui augmenteraient les rendements, faciliteraient la transformation locale et simplifieraient l'accès au marché. Cependant, de nombreux entrepreneurs agricoles, en particulier les jeunes, se heurtent à des obstacles tels que l'accès limité au financement ou le manque d'expertise nécessaire .
Ce constat souligne l'urgence d'une transformation significative des secteurs agricoles afin d'offrir de réelles opportunités d'amélioration des conditions de vie en fournissant des emplois durables susceptibles de réduire la pauvreté.
Libérer le potentiel de l'agro-industrie pour créer des opportunités pour les jeunes
Il est essentiel de rappeler que l'Afrique dispose d'un énorme potentiel pour nourrir sa population et même le monde.
Un levier de croissance qui, pour se concrétiser, doit s'appuyer sur le développement de l'agro-industrie. La véritable création de valeur pour les jeunes provient de la transformation des produits agricoles. Il est donc essentiel pour l'Afrique de transformer ses biens localement.
Nous devons changer de paradigme. L'Afrique possède, selon les estimations, entre 50 et 60 % des terres arables non encore exploitées dans le monde. Cependant, le continent importe 80 % des produits alimentaires consommés localement. Seule une agro-industrie structurée, par la maîtrise locale de l'ensemble de la chaîne de valeur des filières agricoles, deviendra le moteur de la croissance du continent, permettant un développement durable et une source de création d'emplois permanents.
Des exemples réussis existent et montrent que l'agro-industrie est une solution stratégique. Par exemple, en 2017, la Côte d'Ivoire s'est fixé pour objectif de transformer localement 50 % de sa production de noix de cajou d'ici 2030. À mi-parcours, la Côte d'Ivoire transforme déjà 260 000 tonnes de noix de cajou sur place, soit 20 % de sa récolte. Le pays a également encouragé l'installation d'usines de transformation en augmentant la production. En 2023, une trentaine d'usines de transformation étaient déjà en activité, et plus d'une douzaine d'autres devraient voir le jour en 2024.
Les investissements sont essentiels pour libérer le potentiel de l'agro-industrie africaine. Il faut investir dans les infrastructures, l'innovation et les compétences pour structurer les secteurs agricoles, de la production à la transformation et à la commercialisation. Si des initiatives de développement agricole ont été lancées pour relever ces défis, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer les mécanismes d'incitation législative et financière, tant au niveau national qu'international, afin de promouvoir une amélioration significative de l'agro-industrie africaine.
Le secteur privé en action
Le secteur privé peut jouer un rôle central dans la transformation du secteur agricole, en établissant des relations avec des mécanismes de financement innovants pour adopter de nouvelles technologies, la numérisation, la formation et la mécanisation des exploitations. En collaborant avec les agriculteurs et les entrepreneurs, le secteur privé peut contribuer à stimuler l'innovation, à renforcer les capacités techniques et à créer des emplois stables.
Parmi les solutions émergentes, l'approche "Fork to Farm" de la Mastercard Foundation apparaît comme une opportunité stratégique et un véritable changement de perspective. Cette approche part de la demande des consommateurs pour transformer et structurer le secteur agricole en une source d'emplois attractifs et diversifiés pour les jeunes en Afrique, permettant ainsi à 6,2 millions de jeunes de l'espace UEMOA, dont 70% de femmes, d'accéder à un travail digne et épanouissant d'ici 2030 .
Le secteur privé peut mettre en place un système agroalimentaire durable par l'éducation, la formation technique et la création d'écosystèmes entrepreneuriaux pour changer les perceptions et doter les jeunes des compétences nécessaires. Lorsqu'ils sont bien soutenus, les agro-entrepreneurs peuvent adopter des pratiques durables et accéder au financement, alors qu'auparavant, ils étaient exclus des mécanismes de financement traditionnels.
Nous appelons le secteur privé à jouer pleinement son rôle et, en collaboration avec les acteurs publics, gouvernementaux et supranationaux, à adopter une nouvelle approche pour contribuer plus activement au développement socio-économique de l'Afrique de l'Ouest. En se concentrant sur une approche locale, le secteur privé peut promouvoir l'enrichissement de la société, contribuant ainsi à un avenir plus prospère pour la région.
Grâce à des solutions innovantes et à un engagement accru du secteur privé, le développement agricole en Afrique de l'Ouest peut être transformé en un puissant moteur de progrès et de prospérité pour ses habitants. Le moment est venu d'agir et de réaliser le potentiel inexploité du secteur agricole dans la région - et au-delà.
